Colloque - La désinstitutionalisation : une journée d’étude pour redéfinir le concept et comprendre les enjeux
Article
Le 07/12/2023
Le 9 novembre 2023, l’Unapei Ile-de-France, en partenariat avec la Chaire FEID de l’Université Paris-Nanterre et l’Unapei nationale, organisait un colloque dédié à la désinstitutionalisation pour les personnes en situation de handicap. Avec les regards croisés de plusieurs universitaires, ce rendez-vous visait à dépasser les oppositions et à dégager une définition du concept comme à expliciter les enjeux qu’une telle approche implique.
La « désinstitutionalisation » est sur toutes les bouches. Le 26 avril 2023, devant la Conférence Nationale du Handicap (CNH), le Président de la République Emmanuel Macron, réaffirmait la nécessité pour le secteur médico-social de se transformer. Il affirmait alors « Nous devons aussi continuer de promouvoir un modèle social de handicap basé sur la désinstitutionalisation. C’est le sens des orientations du comité de l’ONU ».
Cette désinstitutionalisation qui n’est jamais définie clairement et source de tensions permanentes et d’approches parfois caricaturales. Est-ce qu’il s’agit de fermer les établissements en oubliant au passage qu’une institution n’est pas seulement quatre murs et une porte, mais aussi et surtout des règles et des routines intégrées ? Est-ce qu’il s’agit de développer des plateformes de services mettant au cœur de son fonctionnement les attentes des personnes en situation de handicap en oubliant encore une fois que les ESMS en développent déjà depuis plusieurs années pour répondre aux projets de vie de chacun, qu’ils s’agissent d’enfants ou d’adultes?
Décryptage partagé
De tous horizons (droit, économie, sociologie, sciences de gestion, philosophie, etc.), les intervenants sont revenus sur la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées (CIDPH), ses principes fondamentaux, son interprétation nationale avec la loi 2005-102 du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits, etc.
Ils sont également revenus sur la Déclaration de Salamanque (1994) qui a marqué un tournant : ce ne sont pas aux enfants en situation de handicap de s’adapter à l’environnement éducatif, celui-ci n’est pas neutre et passif mais le résultat de ce que nous en faisons.
Le cœur du débat français peut se résumer ainsi : si la désinstitutionalisation permet de renforcer l’autodétermination et l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société, est-ce que cela signifie que la fermeture des ESMS entrainera mécaniquement, voire naturellement, une amélioration de leur qualité de vie ? Est-ce que la désinstitutionalisation est la seule manière de favoriser la transition inclusive ?
Transformer la société pour permettre une réelle inclusion
En France, la transformation de l’offre marque une rupture entre un modèle de structures médico-sociales peu ouvertes, au sein desquels l’expression individuelle est peu favorisée, à un modèle tourné vers les besoins individuels et la collaboration avec les acteurs locaux. Cependant, les débats actuels ont un contrecoup : à force de parler de désinstitutionalisation, le concept s’est érigé en objectif. Cela doit devenir un moyen, au même titre que la vie en établissement. La désinstitutionalisation, seule, ne rendra pas la société plus inclusive automatiquement. Dans un temps de crise d’attractivité des métiers du prendre-soins, ce type de débat doit devenir une occasion d’exiger de l’Etat qu’il prenne des mesures et qu’il investisse pour rendre les droits des personnes en situation de handicap effectifs, et non pas qu’il se contente d’appeler à fermer les établissements. Sans évolution profonde de l’environnement et un accès au droits effectif, cela se traduirait par encore plus de difficultés et de précarité pour les personnes en situation de handicap intellectuel.
Par Salomé Heurtebise – Déléguée Régionale Unapei–IDF